Réseaux sociaux, responsables de la polarisation? — Centre St-Pierre

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Les réseaux sociaux, seuls responsables de la polarisation des idées?

Par Anne Goupil, formatrice-accompagnatrice
Publié le 10 décembre 2025

Imaginez un monde où seules les personnes en accord avec vous pourraient vous parler.  
 
Celles qui pensent différemment deviendraient invisibles. 
 
Ce monde existe déjà : nous le construisons jour après jour sur le Web. Les spécialistes appellent ça des « bulles de filtres ». Elles sont souvent pointées du doigt comme un accélérateur majeur de la polarisation des idées. Mais les réseaux sociaux sont-ils les seuls responsables? La polarisation est-elle toujours néfaste? Et que pouvons-nous faire pour nous en sortir, concrètement, à notre échelle? Pour le savoir, commençons par comprendre comment ces phénomènes s’invitent dans notre quotidien. 

Ce que l’algorithme choisit pour nous 

Si l’on se connecte au compte d’un·e ami·e aux opinions différentes des nôtres, on remarque vite que le contenu qui lui est proposé n’est pas celui qu’on voit sur notre propre fil. Ceci s’explique par le fait que les algorithmes trient l’information pour nous montrer ce que l’on aime. C’est ce qu’on appelle les bulles de filtres. Résultat, on accède moins facilement à des avis divergents, et il nous devient difficile de comprendre les personnes qui pensent différemment de nous. 
 
Il faut savoir que pour un tiers des Québécois·es, les réseaux sociaux sont la principale source d’information. Les bulles de filtres qui y règnent accentuent donc la polarisation. 

Et les robots conversationnels? 
Lorsque Chat GPT, par exemple, mémorise vos préférences ou votre style, il tend à adapter ses réponses à ce que vous attendez ou appréciez. Cela peut créer une forme de chambre d’écho, renforçant vos perspectives. Ce phénomène, proche d’une bulle de filtres, repose sur vos interactions directes et les paramètres que vous choisissez d’activer. 

Ce que nous choisissons, hors ligne 

Cependant, il est important de distinguer les bulles de filtres des chambres d’écho. Les chambres d’écho naissent dans le quotidien, quand on s’entoure librement de personnes partageant la même vision que nous. Cette tendance naturelle nous permet d’entendre presque uniquement des opinions familières, et cela a comme effet de cristalliser nos croyances. En ligne, la bulle nous est imposée par les algorithmes : hors ligne, c’est nous qui construisons notre chambre d’écho, par choix.  
 
Et si le besoin de confirmer ses certitudes (biais de confirmation) ne date pas d’hier, la polarisation en ligne le rend plus visible : on s’enferme dans l’entre-soi et on perd le contact avec la nuance. L’opinion des autres devient alors de plus en plus difficile à considérer : c’est ce qu’on appelle la polarisation des idées.

Diverger, c’est exister 

Pourtant, la divergence d’opinions n’est pas une mauvaise chose : elle est le fondement de la démocratie, elle permet l’émergence de nouvelles idées et fait avancer les débats. La polarisation, en revanche, se caractérise par le « refus de prendre au sérieux la position adverse, par sa tendance à la caricaturer et à la décréter d’emblée absurde, fausse ou dangereuse »³. En caricaturant l’autre, on perd la possibilité du compromis et de la réflexion partagée. 

Écouter sans vouloir convaincre 

Le problème ne réside donc pas dans le fait de se rassembler avec celles et ceux qui partagent nos valeurs, c’est même vital pour garder espoir dans nos luttes. Le véritable risque survient lorsque, dans nos cercles, nous discréditons systématiquement toute opinion différente. 

C’est ce que suggère Martin Desrosiers dans son essai L’art de ne pas toujours avoir raisonL’art de convaincre importe, mais l’art d’écouter est tout aussi essentiel, surtout face à quelqu’un qui pense différemment de nous. 

Recréer du lien dans un monde fragmenté 

Alors, que faire pour lutter contre la polarisation des idées? Voici quelques pistes concrètes : 

  • S’informer auprès de plusieurs médias dont la ligne éditoriale est transparente, plutôt que de se fier uniquement aux flux (non-transparents) des réseaux sociaux. 
  • Garder en tête qu’au Canada, les organisations ayant une déontologie journalistique ne sont plus autorisées à partager de nouvelles sur le réseau Meta : rester vigilant·e concernant les « nouvelles » partagées sur ce réseau. 
  • Sortir de sa chambre d’écho en identifiant des espaces sûrs (rencontres collectives, panels, tables de quartier, conférences…) pour échanger avec des points de vue différents. Le Centre St-Pierre est, depuis toujours, un lieu de débats.  
  • Développer son écoute active pour essayer vraiment de comprendre les divergences d’opinions, et non seulement pour réagir. 
  • Consulter ou s’abonner à des comptes divergents pour confronter ses certitudes. 

Responsabilités partagées 

Ces gestes individuels ne constituent pas une recette magique. La responsabilité doit aussi être institutionnelle : encadrer les géants du Web, exiger la transparence des algorithmes et freiner la désinformation. À notre échelle, le plus grand geste, dans ce monde ultra-connecté, serait peut-être simplement… de se reconnecter. 

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