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Le milieu communautaire porte-t-il la charge mentale de la société?
Publié le jeudi 23 octobre 2025 Mis à jour le vendredi 31 octobre 2025
Prendre soin de la société : la charge mentale du milieu communautaire
Selon l’Office québécois de la langue française, la charge mentale désigne la « sollicitation constante des capacités cognitives et émotionnelles d’une personne, liée à la planification, à la gestion et à l’exécution d’une tâche ou d’un ensemble de tâches ». Le concept est souvent associé à la vie familiale ou conjugale. Pourtant, il trouve aussi écho dans le milieu communautaire : que se passe-t-il lorsque ce sont les organismes eux-mêmes qui portent la responsabilité de prendre soin de la société?
Du modèle caritatif à la responsabilité collective
Pendant longtemps, on a confié l’aide aux personnes vulnérables aux « bonnes œuvres », à des communautés religieuses ou à des femmes disposant d’un soutien matériel de leur époux. Cette vision d’un autre temps s’est transformée, sans pour autant faire disparaître les besoins. Aujourd’hui, ce sont les groupes communautaires qui assument, au quotidien, ce rôle essentiel… souvent sans la reconnaissance institutionnelle qu’exige une telle mission.
Une organisation sociale née de la nécessité
Les communautés marginalisées ont historiquement développé leurs propres moyens d’entraide : solidarité, expertise de terrain, solutions adaptées aux réalités vécues. Pour beaucoup, il ne s’agit pas seulement de rendre service : c’est une question de survie collective. Ce travail implique une vigilance constante, une créativité quotidienne… et une charge émotionnelle importante. De plus en plus d’intervenantes et d’intervenants témoignent d’un épuisement profond, parfois comparable à celui des personnes qu’ils accompagnent. Si l’État n’investit pas davantage dans son filet social, qui prendra le relais?
Professionnalisation… mais sous-financement persistant
Le milieu communautaire s’est professionnalisé : compétences juridiques, gestion financière, technologies, gouvernance. Pourtant, il demeure trop souvent perçu comme un secteur amateur, malgré sa capacité remarquable à faire beaucoup avec peu. Cette « capacité » est parfois vantée… comme si l’insuffisance des ressources était une vertu plutôt qu’un problème structurel. Les impacts immatériels (soutien entre pairs, lieux d’appartenance, espaces de dignité) sont encore trop souvent oubliés, alors qu’ils transforment des trajectoires de vie.
Combler les angles morts du système
De nombreux organismes communautaires complètent aujourd’hui l’offre publique et privée. Est-ce un choix… ou le résultat d’angles morts dans la conception des politiques sociales? Pendant que certains acteurs institutionnels se concentrent sur les enjeux les plus visibles ou valorisants, le communautaire prend en charge les réalités complexes, discrètes et essentielles. Offrir un espace sécurisant, écouter, nourrir, accompagner : ces gestes ne font pas les manchettes, mais ils construisent la cohésion sociale.
Réfléchir ensemble : comment alléger cette charge?
- Renforcer l’entraide collective – Valoriser la solidarité plutôt que l’accompagnement isolé.
- Multiplier les alliances – Miser sur le partenariat plutôt que le repli organisationnel.
- Accepter nos limites – Reconnaître que tout besoin n’a pas à être comblé par nous seuls.
- Repenser la culture du travail – Sortir de la valorisation de l’endurance pour protéger nos équipes.
- Rendre visible l’invisible – Nommer notre travail, nos impacts et les conditions nécessaires pour le réaliser.