La solitude des gestionnaires du communautaire — Centre St-Pierre

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Entre l’arbre et l’écorce : la solitude des gestionnaires du communautaire

Par Cathy Martel et Ellie Mihai
Publié le 2 octobre 2025

Dans le communautaire, on parle souvent de solidarité, de travail d’équipe et de partage des responsabilités. Pourtant, les gestionnaires d’organismes se retrouvent souvent bien seul·es à jongler entre les attentes du conseil d’administration (CA), les besoins de leur équipe et les réalités du terrain. Nous avons discuté avec plusieurs d’entre eux pour mieux comprendre ce phénomène dans le cadre d’une communauté de pratiques pour gestionnaires, le CréaLAB, afin de comprendre cette solitude et explorer des pistes de solutions. 

Un rôle incompris et une charge invisible 

« Le CA ne comprend pas toujours notre rôle. » Cette phrase revient souvent dans les témoignages recueillis. Plusieurs personnes gestionnaires expliquent qu’elles ont du mal à exprimer leur propre fonction, parce que celle-ci touche à tout. Elles sont souvent prises entre des attentes diversifiées, la gestion d’équipe et des comptes-rendus à des membres du CA parfois peu au fait des réalités du terrain. 

Le manque de soutien est aussi un facteur aggravant. « Tout le monde est trop occupé », constate une gestionnaire, expliquant qu’il est difficile de trouver du support au quotidien. Elle mentionne que ce sentiment de solitude persiste autant du côté du conseil d’administration, souvent éloigné de la réalité terrain, que chez les collègues, débordé·es, ou encore chez les partenaires, eux aussi pris dans leur propre tourbillon. La solitude se fait particulièrement ressentir lors des moments de tension, notamment quand des décisions doivent être prises sous pression ou que les visions divergent. 

Une solitude amplifiée par les particularités du communautaire 

Dans le secteur communautaire, les ressources sont souvent limitées et les structures de soutien aux gestionnaires sont rares. « On apprend sur le tas, car il y a peu de ressources pour nous accompagner », confie un gestionnaire. L’insécurité financière de leur organisme rend aussi le poste plus précaire : « Pour survivre, on devient parfois fournisseurs de services pour les bailleurs de fonds, ce qui nous éloigne de notre mission première. ». 

Le manque de reconnaissance du rôle des gestionnaires, tant au sein des organismes que dans les sphères financières et administratives, rend cette solitude encore plus pesante. « Dans le communautaire, on ne s’attend pas à être seul, alors quand on l’est, ça nous affecte encore plus », explique un interviewé. 

Des stratégies pour briser l’isolement 

Heureusement, des stratégies existent. Face à cette solitude, les gestionnaires déploient différentes tactiques pour garder l’équilibre. Pour ces personnes, les réseaux de soutien entre pairs semblent essentiels : « Parler avec d’autres gestionnaires permet de relativiser. » Plusieurs cherchent aussi à se rapprocher de leur CA, en discutant régulièrement avec la présidence, par exemple. 

La formation de réseaux de collaboration et l’accompagnement par un·e mentor ou une personne accompagnatrice sont aussi des solutions prisées. « S’autoriser à ralentir et à se montrer vulnérable, c’est fondamental », souligne une gestionnaire. Une autre insiste sur l’importance de prendre soin de soi, de chercher du soutien auprès de sa famille et de s’accorder des moments de déconnexion. 

Comment changer les choses ensemble? 

Si individuellement, il est possible de mettre en place des stratégies pour mieux vivre son rôle, il faut aussi que les choses changent collectivement. Voici quelques idées apportées par les personnes gestionnaires participantes au CréaLAB : 

  • Un meilleur alignement entre la vision du CA et celle de l’équipe; 

Le communautaire repose sur des valeurs de solidarité et de justice sociale. Appliquer ces principes à l’interne, en soutenant mieux nos gestionnaires, est un pas essentiel pour des organismes plus forts et plus humains. Finalement, rappelons-nous que derrière chaque initiative solidaire, il y a des gestionnaires, des personnes engagées, qui, elles aussi, ont besoin de soutien.