
Conférence
Transfuges de classe, réussite, revanche ou trahison?
Vincent de Gaulejac
- 1er octobre 2025
- 19 h à 21 h
- Durée : 2 h
- En présence et en ligne
- Inscription avant 15h le jour même de la conférence.
- Capacité du groupe : 100 personnes max.
Le thème des « transfuges de classe a toujours fait recette dans la littérature, depuis Julien Sorel dans Le rouge et le noir de Stendhal, Lucien de Rubenpré dans Les Illusions perdues et Eugène de Rastignac dans Le père Goriot de Balzac, en passant par Martin Eden de Jack London, Antoine Bloyé de Paul Nizan, jusqu’à Annie Ernaux qui vient d’obtenir un prix Nobel, récompense méritée, mais inattendue pour une écrivaine habitée par la volonté de « venger sa race ». En sociologie, la référence incontournable reste la théorie de Pierre Bourdieu qui analyse en profondeur les phénomènes de domination, la violence symbolique des rapports sociaux et les « habitus déchirés » liés à des changements de position sociale.
Dans mon ouvrage sur « La névrose de classe », j’ai proposé une analyse des conflits d’identité vécus par les personnes qui changent de classe sociale bien avant que le terme de transfuge de classe occupe le devant de la scène, à un moment où la mobilité sociale était encore réduite. Cette recherche m’a permis d’engager un dialogue approfondi avec Annie Ernaux et Pierre Bourdieu, en particulier sur la honte sociale et la haine de classe. Depuis j’ai développé des groupes d’implication et de recherche avec des personnes confrontées à ces conflits, en Europe, en Amérique du Sud et du Nord, plus particulièrement au Québec.
Récemment une polémique s’est développée autour du Livre de Jean-Philippe Pleau, Rue Duplessis, ma petite noirceur. Certains lui reprochant d’être méprisant vis-à-vis de son milieu d’origine, d’autres de défendre une méritocratie à l’heure où l’ascenseur social est en panne, d’autres encore de raconter une histoire singulière et personnelle qui est en fait celle d’une grande majorité des Québécois de sa génération. « Nous sommes des centaines de milliers de transfuges de classe ! » écrit Marie France Bazzo dans La Presse.
Cette polémique illustre le passage de la lutte des classes à la lutte des places, dans un contexte ou l’avenir de chacun et de tous est plein d’incertitude.

Vincent de Gaulejac
Vincent de Gaulejac est professeur émérite à l’Université Paris-Cité, Président du Réseau international de sociologie clinique. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont Le coût de l’excellence, La société malade de la gestion, Le capitalisme paradoxant – un système qui rend fou, Dénouer les nœuds sociopsychiques.