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Communautaire : Congédier dans la dignité
Le lundi 5 mai 2025
Vous êtes plutôt du genre auditif? Écoutez l’épisode du balado sur le congédiement juste ici!
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Dans le milieu communautaire, parler de congédiement, c’est comme mettre les deux pieds dans un champ de mines émotionnelles. Cela ébranle nos valeurs, notre sens du collectif et notre volonté d’agir autrement que dans les logiques du monde corporatif. Pourtant, congédier fait partie de la réalité des organisations. Et lorsqu’on n’ose pas le nommer ou l’aborder avec clarté, les conséquences peuvent être tout aussi dommageables que le congédiement lui-même.
Dans notre plus récent épisode du balado Le communautaire, CSPécial! (15 avril 2025), nous avons reçu Geneviève Morand, gestionnaire d’expérience, spécialiste en gestion de crise et autrice de plusieurs ouvrages (Libérer la colère, Libérer la culotte et Libérer la paresse). Ensemble, nous avons plongé dans cette zone grise et inconfortable qu’est le congédiement en milieu communautaire, avec une intention ferme : remettre l’humain au centre.
Pourquoi est-ce si délicat dans le communautaire?
Congédier dans le communautaire ne ressemble pas à ce qu’on voit dans d’autres secteurs. Ce n’est pas une décision purement administrative ou stratégique. C’est une onde de choc qui touche un petit collectif souvent tissé serré, où les liens sont forts, les valeurs partagées, et où la hiérarchie se veut plus horizontale. Congédier, c’est risquer de briser une confiance, de déstabiliser une équipe, de réveiller des blessures liées à l’injustice ou à l’abandon.
Nous portons une culture de la solidarité, de l’accueil, de la compréhension. Comment alors justifier un congédiement sans renier ce que nous sommes?
C’est tout le cœur du paradoxe : lorsqu’on évite de congédier au nom de nos valeurs, on risque parfois de trahir ces mêmes valeurs. Maintenir une personne dans un poste où elle ne s’épanouit plus, où elle nuit involontairement à l’équipe, ou où elle ne répond plus aux besoins du milieu, ce n’est pas toujours faire preuve d’humanité. C’est parfois alimenter la souffrance.
Congédier avec respect, justice et cohérence
Congédier dans la dignité, ce n’est pas le faire à contrecœur, en cachette ou sous pression. C’est poser un geste difficile avec le plus de respect et de lucidité possible. C’est reconnaître que mettre fin à une collaboration peut être une forme de soin – pour la personne concernée, pour l’équipe, pour l’organisation.
Dans cet épisode du balado, Geneviève Morand nomme avec franchise les émotions qui accompagnent ces moments : le malaise, la colère, la peur, la culpabilité. Elle rappelle qu’on ne peut pas éviter le malaise, mais qu’on peut le traverser avec rigueur et bienveillance. Elle propose notamment :
- de prévoir un filet social (ex. : fonds de congédiement, accompagnement externe);
- de communiquer avec clarté et courage, sans tomber dans la brutalité ni dans le flou;
- d’assumer la décision en tant que gestionnaire, tout en reconnaissant la douleur humaine qu’elle peut provoquer;
- d’ancrer l’action dans nos valeurs collectives : justice, transparence, soin.
Une question de formation… et de transformation
Au Centre St-Pierre, nous savons que la gestion des ressources humaines est un terrain sensible pour les organismes communautaires. C’est pourquoi nos formations en gestion abordent toujours les enjeux relationnels et éthiques en profondeur. Congédier ne devrait jamais être une simple opération de ressources humaines. Cela demande une réflexion stratégique, éthique et humaine.
Nos formations offrent des outils concrets : comment documenter une situation difficile, accompagner une employée en détresse, bâtir une culture d’équipe qui permet l’autoévaluation, prévenir les conflits avant qu’ils ne dégénèrent. Mais surtout, elles offrent un espace de dialogue, où les gestionnaires peuvent réfléchir entre pairs à leur posture, à leur rôle et à leurs propres limites.
Parce qu’on ne devient pas gestionnaire en communautaire pour congédier. Mais il arrive qu’on doive le faire.
Et si on faisait autrement?
Dans l’épisode, une question persiste : veut-on vraiment congédier? Ou veut-on, en réalité, que ça change, que ça se replace, que ça cesse de faire mal? Dans la mesure du possible, Geneviève Morand nous invite à sortir de la logique punitive pour envisager des transitions plus souples, plus humaines, plus respectueuses. Il ne s’agit pas de tout éviter, mais de faire autrement.
Cela peut vouloir dire :
- instaurer des bilans de mi-parcours pour prévenir les ruptures;
- offrir un accompagnement externe en amont;
- favoriser les départs négociés plutôt que les congédiements abrupts;
- s’assurer que les personnes en posture de gestion ont elles aussi du soutien et de la formation continue.
Parce que oui, dans le communautaire, nous avons besoin d’outils adaptés à notre réalité. Et surtout, nous avons besoin de lieux pour en parler sans honte, sans crainte de jugement.
Écoutez l’épisode complet
Ce sujet vous interpelle? Vous vivez une situation difficile dans votre organisation? Ou vous souhaitez simplement mieux vous outiller pour l’avenir? Nous vous invitons à écouter l’épisode complet de Le communautaire, CSPécial! avec Geneviève Morand, diffusé le 15 avril 2025 :